Tenir, c’est économiser

Je ne crois pas que ce soit une histoire de qualités physiques. J’ai vu des athlètes incroyables s’arrêter là où, pour moi, les boucles s’enchaînent encore. Si je tiens debout, c’est d’abord parce que j’ai appris à vivre cette course comme une quête d’économie et de relâchement. Dès le départ, je me mets dans une logique de sobriété : courir à allure fondamentale, déposer chaque foulée comme une plume, entrer dans la danse lente et patiente de cette boucle de 6,7km.

À chaque retour sur le camp, tout est pensé pour ménager l’énergie : j’arrive en marchant pour faire redescendre le cœur, je bois, je m’allonge, je respire profondément en visualisant le relachement de chacun de mes muscles, je plonge quelques instants dans un demi-sommeil. Puis, trois minutes avant la cloche, je reviens doucement au monde.

Et rien de tel que suivre ce rituel pour aller loin..

Le fil du flow

Mais tenir, ce n’est pas seulement une affaire de corps. C’est surtout une façon d’habiter la boucle. Sur le chemin, j’essaie d’être léger. Je parle parfois, j’écoute, je ris des blagues de mes camarades. Je rêve, je me laisse traverser par les paysages, par la pensée de mes proches. Et, au fond, je retrouve très facilement cette joie simple : celle d’enfiler ses baskets un dimanche matin, juste pour partager un footing avec des amis.
Je l’avoue, c’est une force je pense, que d’arriver à me mettre consciemment dans cet état de flow ou tout parait facile et très positif, même si les conditions météo sont mauvaises.

Un paradoxe m’accompagne aussi : je cours d’autant plus loin que je ne fixe pas d’objectif chiffré. Chaque fois que je me suis dit “il faut battre ce record”, j’ai senti le corps se gripper une ou deux boucles plus tard, frolant l‘éliminatation ou on la subissant. Comme si l’esprit, ayant atteint le but, perdait son élan. Alors j’avance sans chiffre en tête, juste avec l’envie de rester le plus longtemps possible dans cet état fragile de flow, ce fil tendu entre effort et légèreté.

La force puisé dans le regard de l’autre

Et puis, il y a vous. Je cours pour moi, bien sûr. Mais quand je croise le regard fier de mes parents, d’un ami, d’un proche, après une course comme celle de Châtonnay en 2024… alors je comprends aussi. Ces instants d’émotion, de partage, de reconnaissance, sont un carburant discret mais puissant.

Courir une Backyard, c’est peut-être cela pour moi : écrire un poème à l’encre de ma sueur, ligne après ligne, boucle après boucle. Et tant que ce poème trouvera encore une voix en moi, une image, un souvenir ou un sourire pour le nourrir, je sais que je tiendrai debout.

⏳ Décompte avant les championnats du monde

📍 J-52 avant la Big Dog’s Backyard Ultra
Encore 7 semaines pour accepter la douleur, dompter le chrono… et sourire quand la sonnerie retentit.

🔥 Le mot de la fin

Courir, écrire, créer… Peu importe la forme que cela prend, chaque geste devient une manière de s’ancrer, de se dépasser et de donner sens au temps qui passe. Ce qui compte vraiment, c’est ce feu discret mais persistant qui brûle à l’intérieur de chacun de nous.
Pendant quelques jours je l’espère, ce feu prendra la forme d’une boucle infinie pour moi dans le Tennesse… mais, peut-être, sûrement une autre forme plus tard. Tant qu’il brûle…

Merci de faire partie de cette aventure !
Chaque vendredi, à 6h07, une nouvelle boucle commence — pas sur les sentiers, mais ici, avec vous.
Et si ce message te plait, n’hésite pas à le transférer à quelqu’un qui aime les défis un peu fous.

À la semaine prochaine,
Ronan

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