Le coup de sifflet de la guillotine
Chaque tour commence exactement à l’heure. 00h00. Pas 00h01. Pas “j’arrive, j’arrive, je lace ma chaussure”. Non : si tu n’es pas dans le corral et que tu ne franchis pas la ligne de départ à l’heure pile, c’est l’élimination directe. Il y a quelques temps, une connaissance a vu que son lacet était défait et s’est baissé pour le refaire… avant d’avoir franchie la ligne. Eliminé. Il l’aurait fait quelques mètre plus loin, il était en course et pouvait prendre tout son temps !
C’est comme si Laz (le créateur de la Backyard) avait pris son réveil de grand-père pour en faire une guillotine sonore. Une seconde trop tard… et tchac.
Le départ qui fait mal
Soyons honnêtes : les premières foulées d’un tour, ce n’est pas une partie de plaisir. Après quelques minutes de pause, les jambes crient “NON MERCI” quand il faut repartir.
c’est d’ailleurs le moment le plus dur de la course!
Alors souvent, je marche les premiers mètres, le temps de remettre la machine en route, avant de me lancer dans un rythme tranquille. Au bout de 40, 50, 60 heures… disons que ça ressemble plus à un vieux diesel qu’à une voiture de sport.
Dans ma bulle (ou pas)
Chaque tour a son ambiance. Parfois je discute avec mes voisins de boucle (ça fait passer le temps). Parfois je me mets dans ma bulle, façon méditation ambulante. Parfois j’admire un arbre que je n’avais pas remarqué les 32 tours précédents 🌳 (c’est fou comme la nature peut surprendre… à force de la voir en boucle).
La musique ? Presque jamais. Et aux championnats du monde, elle est même interdite la nuit : on court sur une route ouverte, et rater le bruit d’une voiture, ça peut être plus éliminatoire qu’un retard au départ…
La mécanique du corps (et du mental)
Sur 6,7 km, j’alterne course et marche, selon l’envie et l’état du moment. L’objectif : finir le tour en 47 à 50 minutes, pour garder un peu de repos.
En moyenne ça fait du 8,5 à 9 km/h, avec des petits bouts de marche par-ci par-là. Une gestion d’énergie au millimètre, où chaque pas compte dans la course à l’économie maximum.
Le retour au camp
Arrivé au camp, le rituel est immuable : boire un coup, grignoter, enlever mes chaussures et mes chaussettes, m’allonger quelques minutes sur mon lit pliant.
J’en profite pour fermer les yeux, respirer profondément, et détendre tout ce qui peut encore être détendu (spoiler : pas grand-chose après 2 jours de course).
Si besoin, mon assistant me masse ou prépare le matériel : une frontale, une casquette, des chaussettes sèches. Bref, l’arsenal du survivant.
La symphonie des sonneries
Trois minutes avant le départ, une première sonnerie de 3 coups retentit. Puis deux sonneries à 2 minutes. Puis une, à une minute du départ.
Les premières heures, je commence à me préparer dès la troisième sonnerie. Mais plus le temps passe, plus je repousse… parfois jusqu’à la dernière minute, littéralement. Un peu comme un lycéen qui révise au dernier moment… sauf que là, l’examen, c’est un marathon perpétuel. Moi qui suit souvent en retard, j’ai encore jamais loupé un départ, c’est fou !
Les imprévus
Évidemment, tout ça, c’est quand tout se passe bien. Mais il arrive que les pauses fondent comme neige au soleil. Aux championnats du monde par équipe, sur les tours 53 et 54, je n’avais plus qu’1min30 entre deux départs. Autant dire : pas le temps d’un massage, ni même d’une pizza. Et pourtant, j’ai tenu 30 heures de plus derrière. Comme quoi, rien n’est jamais perdu.
Et puis il y a les champions de l’absurde, comme mon pote Benjamin de l’équipe de France… qui réussit toujours à trouver un moment pour déguster… des huîtres entre deux tours. Oui, oui, des huîtres. Certains carburent aux gels énergétiques, lui c’est aux fruits de mer. Chacun son secret. 🦪
Ah et j’essaie aussi chaque matin de prendre une douche quand même, 10 min chrono, ca passe !
Une boucle après l’autre
Voilà, un tour de Backyard, c’est ça : une petite tranche de vie répétée des dizaines de fois, avec son lot de souffrance, de rituels, de discussions improbables… et parfois même de fruits de mer.
Et le plus fou, c’est que malgré la douleur, malgré la fatigue, quand retentit la sonnerie du prochain départ… eh bien on repart.
⏳ Décompte avant les championnats du monde
📍 J-59 avant la Big Dog’s Backyard Ultra
Encore 8 semaines pour accepter la douleur, dompter le chrono… et sourire quand la sonnerie retentit.
🔥 Le mot de la fin
Allez, on se retrouve au prochain tour… si je ne me suis pas encore écroulé d’ici là.
Merci de faire partie de cette aventure !
Chaque vendredi, à 7h06, une nouvelle boucle commence — pas sur les sentiers, mais ici, avec vous.
Et si ce message te plait, n’hésite pas à le transférer à quelqu’un qui aime les défis un peu fous.
À la semaine prochaine,
Ronan