De Mérens à Saint-Laurent-du-Pont
Quelques semaines plus tôt, autour d’un café avec Rémy Jégard à Mérens-les-Vals, la discussion dérive vers Laz et ses courses improbables. Je lui parle de ma candidature à la terrible Chartreuse Terminorum, où je n’ai pas été retenu. Rémy, qui connaît l’organisation (Benoît Laval et son équipe), me glisse avec malice :
« Tu devrais tenter la Chartreuse Backyard, tu verras Benoit et je suis sur que cela va te plaire … »
Il me raconte sa participation aux mondiaux de 2020, sur ce même circuit. Son enthousiasme finit par m’embarquer : quelques jours plus tard, nous nous inscrivons… ensemble. Enfin presque : une blessure l’empêche de venir, et je prends seul la route de Toulouse à Saint-Laurent-du-Pont.
Premiers pas dans la boue
Vendredi matin, en arrivant dans le gymnase de la course, je découvre un espace bondé : 247 inscrits, mais déjà 21 forfaits avant même le départ, découragés par la pluie battante. À 12h, nous sommes 226 à prendre le départ.

La salle
Dès les premières boucles, le sentier se transforme en patinoire. La pluie, la grêle, la boue. J’ai même sorti ma veste de quart de marin, d’abord comme une blague… avant qu’elle ne devienne indispensable.

Malgré tout, je m’amuse. Je fais mes tours entre 43 et 45 minutes, je mange bien, je sèche mes pieds à chaque fois (avant de remettre les chaussettes trempées 10 minutes plus tard). Et surtout, je souris. Je suis un gamin dans les flaques.
La nuit des abandons
À 20h, frontales allumées, il reste déjà moins de 180 coureurs. À minuit, sous la pluie et le froid, nous passons sous la barre des 100.
La nuit est longue, mais je reste étonnamment bien. Je cours, encourage au demi-tour mes camarades d’aventure, je chante dans ma tête parfois, je profite. Contrairement à d’autres, je ne subis pas la boue : elle m’amuse.
Au petit matin, il ne reste que 26 coureurs. Je me sens incroyablement vivant.
24 heures, 160 kilomètres
Sur 6,7 km, j’alterne course et marche, selon l’envie et l’état du moment. L’objectif : finir le tour en 47 à 50 minutes, pour garder un peu de repos.
En moyenne ça fait du 8,5 à 9 km/h, avec des petits bouts de marche par-ci par-là. Une gestion d’énergie au millimètre, où chaque pas compte dans la course à l’économie maximum.
Le retour au camp
Samedi midi : 24 heures de course, 160 km. Record personnel explosé. Je n’avais jamais couru autant en si peu de temps. Je flotte. Je suis aux anges.
Il reste 19 coureurs. L’ambiance change : plus intime, plus familiale. Je préfère ça au tumulte du départ.
Les dix derniers
À la tombée de la nuit, nous ne sommes plus que dix. Je n’en reviens pas : moi, dans le dernier carré !
Bien sûr, la fatigue s’installe. Les jambes se durcissent, chaque boucle demande plus d’effort. Je garde pourtant une bonne marge de temps, toujours sous les 50 minutes. Mais je sais qu’une deuxième nuit blanche m’attend… et qu’il faudra rentrer seul à Toulouse après la course.
Cette pensée me rattrape. Et le mental vacille.

Durant la nuit, je prends quelques photos
La boucle de trop
23h, je pars pour la 36e boucle. Après un tour de stade, je m’arrête. 234 km au compteur, 36 heures de course.
Manu, un bénévole, me regarde surpris : j’ai encore du rythme, mais j’ai décidé d’arrêter. J’ai déjà vécu bien plus que ce que j’étais venu chercher.
L’après-course
Je prends une douche chaude, dors un peu sur mon lit de camp, me réveille chaque heure au son de la cloche et des foulées des survivants. Le dimanche matin, la météo est meilleure et j’assiste encore à la bataille des derniers entre Liess, Chrisophe et Nicolas.
Le soir à mon arrivée à Toulouse j’apprendrais la victoire de Nicolas Cointepas (recordman de france actuel) après 56 heures et 369 km.
Je discute avec les organisateurs, avec Mickaël Berthon. Je ne le sais pas encore, mais ces rencontres, ces émotions, vont orienter mes projets sportifs pour les années à venir.
Une boucle qui change tout
Quand j’y repense, je souris. Sans l’insistance de Rémy, je ne serais sans doute jamais allé courir « en rond » au pied de la Chartreuse. Et pourtant… cette première Backyard a ouvert un chapitre entier de mon histoire de coureur.
Depuis, j’ai retrouvé Nicolas, Christophe sur d’autres lignes de départ. Et bientôt, je m’élancerai avec ces 2 là dans le jardin de Laz, pour les championnats du monde !
Une boucle après l’autre, l’histoire continue.

Nicolas COINTEPAS au petit matin devant Christophe BAUD
⏳ Décompte avant les championnats du monde
📍 J-51 avant la Big Dog’s Backyard Ultra
Encore 7 semaines pour me préparer à revivre cette folie.
🔥 Le mot de la fin
Merci de faire partie de cette aventure !
Chaque vendredi, à 6h07, une nouvelle boucle commence — pas sur les sentiers, mais ici, avec vous.
Et si ce message te plait, n’hésite pas à le transférer à quelqu’un qui aime les défis un peu fous.
À la semaine prochaine,
Ronan